[Evènement] Exposition Art Afrique


Du 26 avril au 04 septembre 2017, la fondation Louis Vuitton, à Paris, a ouvert ses portes à l’art contemporain africain.

Du Congo à l’Afrique du Sud, de la Sierra Leone au Bénin, des artistes venant des quatre coins du continent étaient présents par leurs œuvres, pour le plus grand bonheur d’amateurs d’Art et amoureux de l’Afrique.

Par Chéri Samba

Des photographies des maliens Seydou Keïta et Malick Sidibé, aux tableaux engagés du congolais Cheri Samba, en passant par les créations ultra originales et “recyclées” de Romuald Hazoumé, les coiffures royales de Okhai Ojeikere, et les croquis futuristes d’Abu Bakarr Mansaray, la Fondation LV a réussi à réunir en un seul endroit une palette incroyable d’œuvres africaines.

Néanmoins, cette exposition, qui a été un réel plaisir pour les yeux, a laissé place à un malaise certain. J’ai donc voulu partager avec vous mes impressions, mon ressenti (en tout cas, le peu dont je me souvienne 🙂 ).

Art Afrique se composait de deux concepts: “Les initiés” qui regroupait tous les artistes subsahariens et “Être” qui était uniquement constitué de la nouvelle scène sud africaine.

Des Initiés à Être, la dénonciation, et l’engagement sont quasi omniprésents. J’ai le souvenir intact de comment je me suis sentie face aux tableaux de Chéri Samba, qui, comme par contraste avec la gaieté des couleurs choisies, dépeint tous les maux de notre continent: enfants soldats, démagogues, hommes politiques véreux, immigration, accès à l’éducation, accès à l’eau potable, désillusions, etc. Toutes ces réalités africaines, mises à nues, ne m’ont pas laissée insensible, et m’ont rappelé à quel point le chemin à parcourir est encore long et semé d’embûches.

Un peu plus loin, je suis tombée sur les aquarelles de Barthélémy Toguo, sur lesquelles on ne retrouve que quelques traces irrégulières rouges (malaise), comme pour évoquer la sexualité. Elle m’ont plutôt transportée vers une interprétation très personnelle. J’y ai vu la Femme, par l’essence même de sa féminité, son cycle menstruel. Et concernant la Femme Noire, les défis qui sont les siens sont tous reliés à l’essence de sa féminité: stérilité, excision, violences conjugales, mariages forcés, etc.

Par Barthélémy Toguo

Ensuite, changement d’étage, changement de collection: direction le sud du continent. La scène contemporaine sud africaine montre bien que l’apartheid a laissé des stigmates profonds, que le temps, Nelson Mandela et la réconciliation nationale n’ont pu cicatriser. On retrouve les réalités sud africaines, et les blessures du passé sur pratiquement tous les spots, que ce soient des artistes ayant connu cette période de l’histoire de leur pays, ou des artistes nés peu avant 1994.

Par David Koloane

Dans cette collection “Être”, je me rappelle surtout de la série de dessins “Street Dogs”  de David Koloane qui dépeint les chiens errants qui pullulent dans les townships (quartiers populaires d’Afrique du Sud) et attaquent les populations par meutes. Mais par le choix des couleurs et les scénarii dessinés, on se rend vite compte que Street Dogs est surtout une métaphore sur les discriminations raciales et les clivages sociaux qui minent le pays.

Art Afrique n’a donc pas été qu’une célébration de la beauté, même si les magnifiques photographies de Malick Sidibé et Seydou Keita et les créations de Romuald Hamouzé viennent équilibrer le tout.

Souvenir de l’exposition Art Afrique, Carnet de photographies par Malick Sidibé Crédit photo: Lettres Noires

Un peu plus tard, par contre, j’ai appris qu’une partie de ces œuvres que j’ai admirées, voire adorées ( #FanZone 🙂 ) appartiennent à la fondation LV et donc au milliardaire français Bernard Arnault, et l’autre partie au milliardaire italien Jean Pigozzi, qui, lui, n’a jamais été en Afrique (GROS MALAISE). Ce constat m’a désagréablement surprise. Comment peut-on comprendre et apprécier à sa juste valeur cet art sans avoir été confronté à son essence même? Sans avoir compris ou connu les nuances et les dénonciations que les artistes dépeignent, sculptent, dessinent, photographient?

Certes, vous me direz que l’on n’a pas besoin d’avoir connu la guerre d’Espagne des années 30, ou d’avoir déjà visité le pays basque, pour apprécier Guernica de Picasso! Et je vous dirai, oui, vous avez raison.

MAIS l’Afrique a une place tellement chère à mon cœur (on va essayer de ne pas sombrer dans le sirupeux et le larmoyant ahah) que je n’arrive pas à oublier le fait que j’ai pu apprécier (adorer) cette exposition, seulement parce que des milliardaires occidentaux, qui n’ont jamais mis les pieds en Afrique, ont décidé que cela serait possible.

Crédit photo: Lettres Noires

Cela nous ramène à l’éternelle problématique: ne serait il pas temps que nous valorisions nous-mêmes notre patrimoine culturel, artistique, aussi bien historique que contemporain?

En tout cas me concernant, en attendant d’être milliardaire (j’espère que c’est tout ce que vous me souhaitez 🙂 ), je rêve déjà de tous les artistes engagés que je pourrai réunir à mes expositions Art Afrique. 🙂