[E-books] Mes lectures en version originale


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Avant, je ne supportais pas les livres électroniques mais ça, c’était avant. Plus je lis, plus je ressens très souvent au cours de l’année le besoin pressant d’acquérir des livres qui me plaisent, des sorties plus ou moins récentes, que j’ai envie de lire maintenant, tout de suite, très vite.

Considérant les délais de livraison (et les coûts) d’un livre jusqu’au Gabon, les arrangements entre transitaires et particuliers que cela me demande, il m’arrive très souvent de juste avoir « la flemme » de commander un livre au format papier et de me contenter de sa version électronique. Un e-book acheté ou téléchargé est instantanément disponible sur ma tablette, quand il faut attendre minimum deux semaines et débourser jusqu’à 4/5 fois plus cher pour avoir le même livre physique. L’expérience n’est définitivement pas la même, mais pour la lectrice boulimique que je suis, j’ai fini par m’en accommoder.

Dernièrement j’ai lu trois e-books qui ont (et ce n’était pas du tout calculé) plusieurs points communs. Ils sont tous trois en version originale, non traduits pour le moment, écrits par des femmes, toutes trois nigérianes. La famille et les relations amoureuses et amicales sont au cœur de ces livres, aussi bien que le poids des traditions de la culture nigériane, qu’elle soit Igbo, Yoruba ou Hausa.

Ces livres, deux romans et un recueil de nouvelles, ont également pour point commun voire pour fil conducteur la dynamique des genres, la toxicité masculine et la charge mentale des femmes. Celles-ci sont pour la plupart victimes ou instruments d’une société patriarcale qui préserve cette dynamique bancale, inégalitaire, sous couvert de traditionalisme et d’amour. J’aime comment chacun de ces livres dépeint un pan de la vie de femmes, si proches de moi, qui évoluent, tombent, se relèvent, essuient des revers, accusent le coup, puis se remettent sur les rails, par la seule force de leur volonté.

Tomorrow I become a woman – Aiwanose Odafen

Roman

Obianuju est la seule fille d’une famille de quatre enfants. Pas facile d’être fille unique et donc la principale préoccupation de sa mère. Obianuju doit être une chrétienne modèle, une jeune fille exemplaire, et surtout, une femme à (bien) marier.

Source: BellaNaija

Elle a accepté depuis bien longtemps que poursuivre ses études est important, mais le mariage l’est encore plus. Le mariage sera peut-être la seule réalisation qui l’aidera à gagner enfin l’approbation et le respect de sa mère. Alors quand son chemin croise celui de Chigozie, journaliste en devenir, chrétien pratiquant et d’ethnie Igbo comme sa famille… Uju succombe aux charmes des premiers jours et aux promesses venues très (trop?) tôt. Obianuju et Chigozie se disent oui pour le pire et pour la vie.

Church members would approach me with timid smiles to say, ‘I saw you in “so-and-so” magazine,’ and compliment my expensive wrapper and head-tie, my designer shoes. And I would smile with just the right blend of pleasure, humility and satisfaction, tilt my head elegantly and say, ‘Thank you.’

Just days before, an earthenware vase with hand-painted red roses, the one Gozie had bought on his last trip to China, cracked on the wall just above my head and shattered in an icy rain around me.

‘You’re a witch!’ Gozie screamed. And I knew I’d dream of those words, the letters dancing in circles around me – you’re a witch! You’re a witch!

Leur union ne sera pas un long fleuve tranquille, entre maternité, emprisonnement, précarité, corruption, pression familiale et… violences conjugales. Jusqu’à quelle extrémité Obianuju tiendra-t-elle à ce mariage? Jusqu’où ira t-elle dans la renonciation de ce qu’elle est pour satisfaire les attentes de sa mère? Quand réalisera-t-elle que ce n’est pas son statut matrimonial ou le nombre d’enfants de sexe masculin qu’elle portera qui feront d’elle une FEMME aux yeux de la communauté à laquelle elle souhaite tant plaire?

« Tomorrow I become a woman » a été mon second coup de cœur de 2023. Je l’ai déjà dit ici, mais les écrivaines nigérianes sont d’incroyable conteuses. Elles racontent les histoires, plus qu’elles n’écrivent, elles nous livrent des fragments de vies, des quotidiens, des familles, des individualités, et moi, entre voyeurisme et émerveillement, j’en redemande, subjuguée par la fluidité de l’écriture, la maîtrise du récit, du temps, de l’espace, des cliffhangers. Aiwanose, dont c’est le premier roman est allée à l’école de ses paires… Chimamanda Ngozi Adichie, à qui elle doit sûrement être agacée d’être comparée. Toujours est-il qu’une fois de plus, j’ai aimé lire le Nigéria à travers la plume de ses autrices de talent. Si vous hésitiez encore, lisez « Tomorrow I become a woman ». Si vous ne le connaissiez pas encore, commandez-le. Vous pleurerez avec Uju, vous énerverez sûrement beaucoup, mais je ne doute pas que vous adorerez cette lecture.

Note : 5 sur 5.

Nearly all the men in Lagos are mad – Damilare Kuku

Recueil de nouvelles

Je ne sais pas si je l’ai déjà mentionné sur le blog, mais je suis une grande fan de Nollywood. Nollywood, contraction de Nigéria et Hollywood, est la seconde puissance cinématographique au monde en termes de nombres de films produits par an*, après Bollywood (Inde) et avant Hollywood (États Unis). Le Nigéria produit à lui seul 2000 films en moyenne par an. L’autrice, Damilare Kuku, est également une actrice nigériane populaire qui a joué dans plusieurs films à succès, notamment Chief Daddy et The Set Up.

Entre le titre accrocheur, la couverture qui a capté mon attention, Damilare que j’ai aimé regarder à l’écran et qui publie pour la première fois, je n’ai pas hésité une seule seconde à me procurer ce recueil de nouvelles.

Lagos est une ville folle. Une centaine de romans, essais, articles et poèmes ont déjà tenté de capturer l’essence de cette mégalopole africaine, d’en décrire les contours, les rues, les embouteillages, les bidonvilles et les gens. Lagos est une ville déjà mille fois écrite et lue. Pourtant, ce petit recueil de nouvelles de 193 pages a réussi à apporter une vision neuve de Lagos, à travers ses hommes avec petit « h » 🙂

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Damilare Kuku l’affirme: presque tous les hommes à Lagos sont fous. Pas tous, mais presque. Le ton est donné, dès le titre. Ce recueil est composé de 12 nouvelles, drôles pour la plupart, où tour à tour le lecteur peut juger à quel point cette ville folle est peuplée de personnes à son image (pas que les hommes d’ailleurs, les femmes aussi ont leur part de madness).

C’est un livre que je recommande si vous avez une panne de lecture, si vous souhaitez lire pour vous détendre, pour rigoler un bon coup, ou pour vous rappeler que MEN ARE TRASH.

Car oui, chacune de ces nouvelles montre un pan d’irresponsabilité, d’infidélité, de lacheté et/ou de goujaterie. De quoi piquer la gente masculine. Les mêmes spécimens se retrouvent un peu partout, et en lisant ces parcours de femmes, vous ne manquerez certainement pas de penser à ce qu’a déjà vécu une copine, une voisine ou la cousine de l’amie d’une amie. Men are trash everywhere parce que la société les protège, les couve et les couvre, sans jamais les tenir responsables des inégalités et injustices qui découlent de leurs privilèges et comportements au travail, dans le couple, dans la cellule familiale, partout.

Note : 3 sur 5.

Yinka, where is your huzband? – Lizzie Damilola Blackburn

Roman

Yinka a 32 ans, diplômé en Finance de l’université d’Oxford et cadre à Godfrey & Jackson, une des plus prestigieuses banques d’investissement britannique. Elle vit dans un superbe appartement de deux chambres, et a une voiture rutilante. On pourrait penser qu’elle a tout pour réussir. Et c’est le cas. Mais Yinka n’a pas de mari. « Yinka, where is your huzband? » est au début une question que lui posent sans arrêt sa mère et sa tante… qui va finir en frustration et obsession.

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Plein de légèreté, de dénouements cocaces, et centré autour de la recherche de l’âme-sœur, « Yinka, where is your huzband? » pourrait passer pour une comédie romantique. Cependant, à y regarder de plus près, il s’agit plus d’un roman sur la quête et l’estime de soi, que d’une romance.

“For many people,” I continue, and there’s a new tone to my voice—confidence—“singleness is something to be ashamed of. It’s something negative, to be prayed away. But I thank you, Lord, for this blessing.” (Cue in the mutters and murmurings.) “Because without it, Lord, I wouldn’t know how to be a better person. How to better love my family. My friends. Myself.” (Kerfuffle and murmurings increase a few decibels.) I hear Pastor Adekeye whisper into my ear, “Yinka, oya, round up.”Then I hear Mum. She’s near the stage, somewhere to my right. She’s hissing, “Yinka, stop this bloody nonsense. Stop it right now!”But I’m not done yet.“Lord—”“Yinka, get down!”“If there is one thing I ask of you, it is that I find love only when I’m ready. And when I do find love—which I ultimately know I will—let me be in the position to give and receive it as a more confident, whole person who knows her self-worth.”

J’ai souvent voulu me battre avec Yinka (oui, littéralement ahah), qui a cédé sous le poids de la pression familiale, qui a comparé son « évolution » avec celle de ses cousines, et s’est perdue en chemin. J’ai souvent voulu me battre avec l’autrice, qui n’hésite pas à nous obliger à sourire, avec un humour forcé, des clichés à la pelle, une storyline déjà-vu à la Bridget Jones afropéenne, et un travail d’édition ultra-modernisé. J’étais à deux doigts de lancer une pétition contre l’intégration de « textos » dans les romans.

Puis j’ai relativisé. Ce que j’abhorre, d’autres lecteurs l’adore probablement. J’ai relativisé, et au final, ce qu’il me reste après lecture et digestion, c’est le souvenir d’un roman sans façon ni prétention, qui, malgré quelques envies de castagne, m’a occupée et bien divertie pendant deux jours de lecture assidue. Comme disent les ivoiriens « tu n’aimes pas, mais tu laisses pas. » Et j’ai fini par aimer, c’est bien cela le comble!!!

En définitive, si vous cherchez un roman « feel good », un peu prévisible, qui se lit sans pression (et uniquement à ces conditions…) , je vous recommande cette lecture.

Note : 2 sur 5.

J’espère que ces petites recommandations vous donneront envie de découvrir ces livres pas encore traduits en français mais qui, chacun pour des raisons différentes, a été un plaisir de lecture. Et s’il ne fallait en choisir qu’un seul: LISEZ « TOMORROW I BECOME A WOMAN ». Vraiment!

Cheers!!

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