Bonsoir à tous !! J’espère que vous vous portez bien, et que vous avez eu le temps de bouquiner, cette semaine 🙂
Je profite de la Journée Internationale des Droits de la femme pour partager avec vous ce roman qui a été un coup de cœur pour moi: Le meilleur reste à venir, de la nigériane Sefi ATTA.
Enitan, narratrice de l’histoire, et Sheri, sont amies devenues sœurs et forment un duo improbable, que le destin a décidé d’unir. Enitan est de confession chrétienne, et grandit dans un foyer monogamique, véritable cocon d’où elle observe le monde extérieur. Sheri, elle, est musulmane, née de plusieurs mères car fille de polygame, et évolue dans un milieu où l’éducation est très laxiste. Sheri, marquée à vie par un drame personnel, est aussi séductrice et extravertie qu’Enitan est discrète et réfléchie.
Mais c’est à partir de ce personnage qui semble au début un peu insipide, que le récit de leur vie s’est écrit. On y voit Enitan se perdre, tâtonner, puis enfin s’affirmer, au fil des années, mais surtout au fil des difficultés. Entre son père devenu prisonnier politique, sa mère aliénée par une église aux allures de secte, et son époux peu compréhensif, la jeune fille d’antan laisse place à la femme mûre et sûre d’elle.
C’est un roman que je recommande en cette célébration spéciale (le 8 mars) car il est attachant, d’une honnêteté désarmante, et tourne autour de femmes qui, chacune à sa façon, se battent pour atteindre un idéal qui devrait leur être dû : leur liberté de penser, leur liberté d’être, leur liberté tout court.
La société nigériane d’après la guerre du Biafra, celle-là même qui connaît deux décennies de putsch et tentatives de renversements à répétition, est profondément marquée par la corruption, les régimes dictatoriaux et militaires, l’insécurité, les arrestations arbitraires, la pauvreté, etc. C’est dans ce contexte social et politique fébrile, et dans la jungle urbaine qu’est la capitale nigériane, Lagos, qu’Enitan devra batailler pour la libération de son père, sortir sa mère de l’emprise de son pasteur gourou, et concilier ses convictions avec ses devoirs d’épouse.
Ci-dessous, une conversation, entre Enitan et son père, qui retranscrit parfaitement tous les dilemmes de la femme africaine. Et encore ! Selon moi, ce passage ne met pas assez en valeur toute l’ambiguïté, toutes les facettes et contradictions de la femme, africaine surtout, qui sont pourtant très bien décrites dans ce livre.
« – Observe un peu notre situation, disait-il. Les plus vieux ont peur de parler, les plus jeunes sont trop occupés à essayer de gagner de l’argent. Cette situation ne dérange-t-elle pas les jeunes ?
– Si.
–Alors pourquoi vous ne dites rien ?
-On pense à l’argent, à l’électricité. Des groupes se forment et on vient les tabasser et les asperger de gaz lacrymogène. Qu’est-ce qu’on peut faire ?
-Les femmes, grommela-t-il. On ne les entend jamais.
-Les femmes ? Qu’est-ce que tu voudrais que les femmes disent ?
-Où sont-elles ? C’est plus de la moitié de la population.
– Nous avons nos propres problèmes.
-Quoi par exemple ? Qu’est ce qui est plus important que ça ? Que ces gens qui ridiculisent notre Constitution ?
Je me mis à compter sur mes doigts.
–Pas de mari, mauvais mari, la maîtresse du mari, la mère du mari. Les droits de l’homme n’ont existé que lorsque les droits de l’homme ont été menacés. Il n’y a rien dans notre Constitution en ce qui concerne la douceur dans les foyers. Et, même si l’armée s’en va, nos hommes restent. Alors, qu’est-ce que tu veux qu’elles disent les femmes ?
–Ce sont deux questions distinctes, dit-il.
–Ah oui, dis-je. Parler des femmes quand l’ennemi c’est l’Etat. Jamais quand l’ennemi est à la maison. »
Oui, Enitan considère que bien souvent, l’ennemi de la femme est autant celui qui dort dans notre lit, que l’Etat qui nous fait crouler sous les taxes, et nous réduit au silence. Elle vit dans son couple bien plus de compromissions que de compromis, et cela ne l’aidera pas toujours à mener ses combats.
Alors, et si vous décidiez de plonger un peu plus dans l’histoire de cette femme-courage en laquelle certaines se reconnaîtront, et que d’autres adoreront détester?
Disponible sur Amazon et la Fnac
Edition : Actes Sud, 2009
428 pages
9.70€ TTC
Bonus : Juste parce que les dialogues et répliques de ce roman sont vraiment piquants, et plein de petites vérités, je vous laisse des extraits, qui font partie de mes préférés! Non non, vraiment, ne me remerciez pas ! 🙂
«- Chaque pays a besoin d’une armée pour protéger son peuple.
-De toutes évidences, en Afrique, nous avons besoin d’une armée pour tuer notre peuple.»
« Je n’avais jamais vu ma mère embrasser un homme. Pas même mon père. »
« Ne fais jamais de sacrifices pour un homme. Quand tu lui dis : » Regarde ce que j’ai fait pour toi « , il est déjà trop tard. Il ne se souvient de rien. »
«-Tu me fais peur, dit-il. Tu me regardes comme si je t’avais volé de l’argent. Est-ce que tu fais partie de ces femmes qui sont incapables de faire confiance à quelqu’un ?
-Je fais partie de ces femmes qui veulent faire confiance à quelqu’un.»