Dans ce roman il est question de fleurs. De tulipes du Gabon, d’ixoras blancs, et d’hibiscus pourpres. De fleurs rares, expérimentales, exceptionnelles.
Et il n’y a pas que les fleurs qui le sont. Les femmes de ce livre aussi sont exceptionnelles, chacune à sa façon, chacune sans le savoir, et toutes sans le vouloir: elles sont justes exceptionnelles.
De la femme battue que l’on pourrait croire spectatrice de sa vie et éternelle victime, à la belle-soeur courage, Ifeoma, qui mène de front sa vie de jeune veuve et mère, en passant par la petite Kambili dont le coeur reste intact, pur, malgré les traumatismes de son enfance, je n’ai vu que des femmes d’actions. Des femmes qui chacune à son niveau a fait le choix, tôt ou tard (plus tard que tôt pour certaines), de VIVRE. Vivre non plus cachées, en subissant le quotidien, mais en devenant, en redevenant des femmes fortes et entières. Et comme c’est bon de les voir retrouver cette entièreté qui leur a parfois été ôtée par un père, un époux, un frère, et la société toute entière!
D’ailleurs, des hommes de leur vie, parlons-en. Car c’est également l’histoire d’hommes. D’hommes qui ont failli en tant que pères, en tant qu’époux, sur deux générations, et dont les erreurs se répercutent surtout sur des enfants. Surtout sur des femmes.
Dans ce roman il est question d’éducation. Une éducation sévère à en crever. De la maltraitance plus que de l’éducation à vrai dire. Un père en désaccord avec son père, qui au nom de principes religieux, de principes tout court, fera vivre un enfer à ses enfants. Quelle ironie, pour quelqu’un qui au final, ne veut que le Paradis pour des enfants qu’il aime. Des enfants qu’il aime trop et mal. Des enfants qu’il ne laisse même pas être des enfants.
A quel moment Eugène a-t-il dépassé les bornes? Au premier oeil au beurre noir de sa femme? Ou aux premières brûlures de ses enfants? Je ne saurais le dire. Dans tous les cas il est bien la preuve que le chemin de l’Enfer est pavé de bonnes intentions. Car ses intentions, ses bonnes intentions, elles restent malgré tout indéniables.
L’hibiscus pourpre a été une lecture intéressante, rappelant toujours aux femmes africaines qu’elles doivent, même aujourd’hui, se battre contre des préjugés, des diktats, des mentalités, pour elles, mais aussi pour leurs filles. Une femme qui ne fait pas d’enfants a le droit de ne pas craindre une répudiation ou des enfants adultérins. Une femme qui n’obéit pas au doigt et à l’oeil à son mari à le droit de ne pas redouter des coups. Une femme vivant seule, et s’occupant seule de sa famille n’est pas forcément une paria, marginale ou « rebelle ». Une fille qui joue, rigole, et échoue parfois n’est pas forcément indigne. Une fille n’a pas à être jugée coupable de ce qu’elle ignore, de ce qu’elle est, ou de ce qu’elle ne pourra jamais être.
Une femme a le droit d’être tout ce qu’elle veut. Y compris tout ce que les hommes ne lui permettent pas d’être. Y compris tout ce que les hommes ne veulent pas qu’elle soit.
Nous avons des droits. Que dis-je? Nous avons tous les droits.
En bref, ce livre… je l’ai beaucoup apprécié. Je planterai peut-être des hibiscus chez moi plus tard. Pourpres de préférence. Quelques ixoras aussi. Des rouges. Mais surtout des blancs. Et bien sûr… des tulipes du Gabon.
L’hibiscus pourpre
Chimamanda Ngozi Adichie
Editeur: Gallimard 2003
400 pages