J’ai encore eu une panne de lecture! Vous savez, cette période qui survient sans crier gare et qui parfois, met beaucoup trop de temps. J’ai eu énormément de mal à me concentrer sur de nouvelles lectures au cours des derniers mois, j’en ai commencées plusieurs et en ai finies très peu. J’ai relu pour la cinquième, sixième, parfois dixième fois certains livres qui sont mes « plaisirs coupables », qui me réconfortent et m’accompagnent, toujours. Ces plaisirs coupables, qui oscillent entre l’intégrale d’Harry Potter et celle de Twilight (ahah, j’avoue j’avoue), je les ai lus de nouveau et ils m’ont permis de me remettre sur les rails. Littéralement!! En ce mois d’octobre notamment, j’étais tellement motivée, gonflée à bloc, que j’ai lu quatre romans inédits. And guess what? Je vous en ai fait un résumé!!
Disclaimer: ne cherchez pas de lien logique entre chacun de ces romans car il n’y en a pas. J’ai surtout voulu lire des livres qui étaient dans ma PAL depuis plusieurs mois, voire années.
Tropique de la violence de Nathacha Appanah – Éditions Folio
La première fois que j’ai entendu parler de ce roman, c’était dans un groupe Whatsapp. Une dame, membre de l’association des parents d’élèves du lycée français de ma ville envoie un message et jubile: « C’est officiel, Tropique de la violence est retiré des livres au programme des classes de 3ème!!! ». Plusieurs autres mamans du groupe s’extasient, et félicitent cette maman particulièrement qui a été à la base de la « motion de censure ». Ce roman, écrit par l’autrice mauricienne Nathacha Appanah traite de thématiques fortes comme la violence, le sexe, la drogue et la délinquance. Il a été jugé inadapté pour des jeunes de troisième par l’APE.
Tropique de la violence est un roman sur Mayotte. Ce département français n’est pas seulement le lieu du récit mais une part entière de l’œuvre avec des descriptions saisissantes de Mamoudzou, Bakandroki, ou encore Gaza.
À Mayotte il y a Marie, infirmière française, blanche, sans enfant, et plus tout à fait mariée. Par un jeu du destin, elle recueille un bébé aux yeux vairons arrivé en kwassa kwassa (pirogue de fortune) des Comores voisins, emmitouflé dans les bras de sa mère. Ce bébé, plus tard appelé Moïse grandira auprès de Marie, couvé par son amour maternel et protégé par son statut de muzungu (étrangère), à l’abris de la réalité de son île. Mais à Mayotte, la violence semble souvent trouver son chemin. Marie finit par mourir brusquement, laissant derrière elle un adolescent désorienté, à deux pas de sombrer. On suivra alors Moïse dans ses errements et dans sa perdition aux côtés de La Teigne et surtout de Bruce, roi de Gaza, chef de gang violent, dont le quotidien est fait de racket, d’alcool, de drogues et de combats de rue.
« Mais je ne le juge pas, ce pays nous broie, ce pays fait de nous des êtres malfaisants, ce pays nous enferme entre ses tenailles et nous ne pouvons plus partir. »
Tout le long de ma lecture j’ai espéré que Moïse sorte de Gaza. Chaque page tournée était empreinte d’espérance. Je souhaitais à chaque nouveau chapitre que quelqu’un le sauve. N’importe qui. Peu importe qui. Ce n’est pas un mauvais garçon, Moïse. Il a juste fait une mauvaise rencontre. L’adolescence, ce carrefour impitoyable qui nous perd un peu, a eu l’effet d’une sentence pour lui. Entre quête d’identité, quête de soi, il a emprunté un chemin bien loin de Marie et de sa belle maison en brique, protégée et protectrice.
C’est un livre magnifiquement bien écrit. C’est la première fois que je lis Nathacha Appanah et je n’ai absolument pas été déçue. Le livre est sublime de proses, de descriptions, d’images, d’odeurs, d’émotions. J’ai eu l’impression de slalomer entre les flaques de Kaweni, de me baigner à Kane Keli, et de me promener dans les ruelles de Mamoudzou. C’est un roman qui fait voyager, certes, mais qui étreint, qui serre fort l’estomac et coupe le souffle, tant la violence y est omniprésente.
Alors j’ai compris un peu mieux ces dames du groupe Whatsapp que j’ai jugées. Parce que oui, je les ai jugées, ces bonnes femmes qui ne connaissent rien à la littérature, trop chrétienne pour supporter un livre qui aborde des sujets du quotidien. Depuis quand à 14 ans on ne peut plus lire sur la violence et le sexe, me disais-je.
Après l’avoir lu, j’ai compris ces dames remontées. C’est un roman que je peux lire, que j’ai voulu lire, et que j’ai aimé lire. Mais c’est un roman que je ne vois pas mon fils, à 14 ans lire. Je souhaiterais, le plus longtemps possible, qu’il voit sa maison comme un refuge, son voisinage comme un cocon, et le monde comme quelque chose de grand à découvrir et non comme quelque chose de violent à fuir. Il y a des images, des mots et des événements que je ne voudrai pour rien au monde lui imposer à 14 ans, même au nom de la littérature et de la beauté des mots. Je le lui garderai, dans le secret de ma bibliothèque, jusqu’à ses 17 ans, éventuellement?
Ma notation sur 5: ⭐️⭐️⭐️⭐️
Sula de Toni Morrison – Éditions 10/18
Dans les années 20 aux États-Unis, les jeunes hommes rentrent de guerre sans le sou, le corps et l’esprit marqués par le front. Les Noirs et les Blancs voyagent dans des wagons séparés, les métis sont toisés, présumés complices de cette ségrégation, et les papas, dans la communauté noire, sont aux abonnés absents. Ou répondent très mal présents. Sula de Toni Morrison est le roman d’une communauté de femmes noires qui tirent le diable par la queue, sans maris ni pères.
« Comme chacune avait compris depuis longtemps qu’elle n’était ni blanche ni mâle, que toute liberté et tout triomphe leur était interdits, elles avaient entrepris de créer autre chose qu’elles puissent devenir. »
Au sein de cette communauté grandissent Sula et Nel, deux petites filles aux caractères opposés qui se lient d’amitié. Leurs chemins se sépareront, peut-être définitivement, quand Sula ira en ville mener une vie loin du regard des habitants de Bottom, qui s’attendent à ce que, comme Nel, elle se marie et ait des enfants. Mais Sula est un esprit libre, et ne fait que ce qui lui plaît, même si cela signifie, 10 ans plus tard, blesser irrémédiablement sa seule amie.
« Tenant le couteau de la main droite, elle tira l’ardoise vers elle et appuya violemment son index gauche sur le tranchant, d’un geste résolu mais maladroit. Elle ne réussit qu’à trancher le bout du doigt. Les quatre garçons restèrent bouche bée devant la blessure et le bout de chair recroquevillé comme un bébé champignon dans le sang écarlate qui coulait sur le bord de l’ardoise. Sula leva les yeux. « Si je suis capable de me faire ça, qu’est-ce que vous croyez que je vais vous faire ? » dit-elle d’une voix calme. »
Sula est un roman assez court. Les personnages n’ont pas été suffisamment développés et rien n’est décrit. Ni les lieux, ni le temps qui passe, ni les revirements d’Eva, les incohérences d’Hélène ou les maux de Tar Baby. Est-ce-que Plum est devenu Shadrack? Je n’en sais rien et n’en saurais probablement jamais rien.
Je n’ai pas accroché à l’histoire. Le style de Toni Morrison ne m’a pas plu non plus. Venir à bout de ce roman m’a demandé un effort de concentration beaucoup trop grand. Une lecture laborieuse, pour seulement 188 pages. Un déplaisir certain, et ce n’est pas dû à la plume crue de l’énorme autrice qu’est Toni Morrison. Ce n’est pas dû à la dureté de l’histoire, car je pense avoir lu plus difficile… ce roman n’était pas pour moi. Tout simplement.
Je ne suis pas sûre de relire Toni de sitôt, tant ma déception est grande. Ses autres romans, Beloved, Home, ou L’œil le plus bleu attendront que j’ai de nouveau la volonté de me plonger dans une œuvre à l’issue incertaine.
Ma notation sur 5: ⭐️⭐️
Une saison au Congo de Aimé Césaire – Éditions Points
Une saison au Congo est une pièce de théâtre d’Aimé Césaire. Il y est joué l’accession au pouvoir de Patrice Lumumba, les intrigues de palais, la gronde populaire, les machinations belges, le silence complice onusien, les séparatistes Katangais, la traitrise de Mok(b)utu, et enfin… la chute de celui qui restera une figure emblématique du Congo belge et de l’Afrique en général. Tout cela en 3 actes, 42 personnages, et 133 pages.
Il est vrai que ça fait longtemps, très longtemps, que je n’ai pas lu de pièce de théâtre, cependant tous mes vieux résidus du club de théâtre de mon lycée sont revenus avec un effet coup de fouet. La scène, le rideau, le trac, la nécessité que tout soit compréhensible et absorbable.
Ici, dans Une saison au Congo, je n’ai pas eu le sentiment que tout serait absorbable par le public. Le message politique (ô combien nécessaire) a parfois pris le dessus sur l’écriture théâtrale, sur l’art oratoire, sur la fluidité et l’enchaînement des scènes, l’espace, le temps. Ces éléments ont été mis de côté pour ne garder que le message. C’est un choix peu étonnant, venant de l’auteur, poète, dramaturge antillais, que l’on ne présente plus vraiment. La prose, les envolées lyriques et militantes d’Aimé Césaire sont toujours aussi belles à lire et transpercent toujours autant le cœur de l’Africaine que je suis. Cette pièce écrite en 1966 et jouée pour la première fois en 1967 au théâtre de l’Est-Parisien est tristement d’actualité, tristement intemporelle.
« En bref, tu prends le pouvoir! Après tout tu n’auras pas été le premier colonel à faire un coup d’Etat. Mais attention Mokutu! Le jour où n’importe quel traîneur de sabre, n’importe quel porteur de galons, n’importe quel manieur de stick se croira le droit de faire main basse sur le pouvoir, ce jour-là, c’en sera fait de la Patrie. Un État? Non! Une foire d’empoigne! Cette responsabilité, es-tu prêt à l’assumer? »
L’Afrique indépendante depuis les années 60, cette Afrique que nous louons, que nous commémorons chaque année, est encore fragile. Aussi fragile que le Congo décrit par Césaire. Au Niger, Mali, Burkina… même au Gabon, mon cher Gabon, nous vivons toujours au rythme des remaniements ministériels nocturnes, et des putschs militaires adoubés ou condamnés au gré des intérêts Occidentaux. Les mercenaires belges ont été remplacés par Wagner, et sur le front, les combattants s’échangent leur position sur Whatsapp. Les hold-up électoraux se font toujours en toute impunité, puisque la pratique est désormais de couper Internet au soir de la proclamation des résultats. Même continent, mêmes pratiques, mêmes enjeux… siècles différents.
Aimé Césaire a écrit une pièce tristement intemporelle, en hommage à une figure qui aura marqué son passage d’une empreinte éternelle. C’est un classique de la littérature afro descendante, à lire ou à relire, pour ceux qui aiment les beaux mots, et qui aiment, parfois, se plonger dans une lecture assurément engagée.
Ma notation sur 5: ⭐️⭐️⭐️⭐️
Du miel sous les galettes de Roukiata Ouédraogo – Éditions Pocket
Yasmina Sankaké n’a que 9 mois, peut-être 7 au début de l’histoire, mais elle semble se souvenir de tout. Elle a sûrement dû recevoir ces récits de sa mère, ou de ses 6 frères et sœurs. Toujours est-il que Yasmina n’est qu’un bébé au début du livre, que Djelila sa maman traîne partout dans son dos, à l’aide d’un pagne à la manière de tant d’autres mamans burkinabés. Yasmina voit son équilibre familial transformé quand son père fonctionnaire est emprisonné pour une durée indéterminée. La corruption, les lenteurs administratives et la méconnaissance du système judiciaire n’aideront pas cette famille à sortir du gouffre. Djelila se mue alors en mère courage devant les yeux innocents de ses enfants, obligée de vendre des galettes au miel devant leur maison, ce commerce étant désormais leur seul moyen de subsistance. Yasmina verra sa mère faire l’impossible avec très peu de moyens. Ce livre est comme un hommage à la résilience et au courage de cette femme, maman de sept enfants, qui a tenu bon contre vents et marées, pendant la longue absence de son mari.
« On croit souvent qu’on choisit sa vie, mais c’est la vie qui choisit et on suit. »
Du miel sous les galettes est un livre coincé à mi-chemin entre l’autobiographie et le roman. Comme si le choix n’avait pas été totalement fait et le lecteur est perdu entre les deux. J’ai été perdue entre les deux. Au point où j’ai dû aller sur Google et me renseigner davantage sur l’autrice avant de poursuivre ma lecture. On se perd entre deux genres, mais aussi entre deux personnages, car on ne sait pas vraiment, on n’est pas vraiment sûrs que Yasmina Sankaké et Roukiata Ouédraogo soient la même personne. Je vous simplifie la vie: il s’agit bien de la même personne.
Grâce à Google et Instagram, j’ai fini par découvrir qu’elle est autrice, actrice, comédienne et chroniqueuse. Chroniqueuse. Ça m’aide à mettre le doigt sur un autre point gênant de ma lecture. Les descriptions des personnages, des lieux et des événements sont mécaniques, machinales, froides. Vides de poésie. Comme un bulletin d’informations. La chroniqueuse a souvent, trop souvent, pris le dessus sur l’écrivaine, créant des passages hachés, creux, sans sensibilité, (avec pour exemples le match des mères et les parties du récit qui se déroulent à Paris). La chroniqueuse plutôt que l’autrice a également créé des passages comme l’épilogue, placés à la périphérie de l’histoire, qui ne s’imbriquent pas avec le reste du récit. L’épilogue constitue sans doute les pages les plus marquantes de ce livre, mais il est également complètement sorti de l’histoire, sorti de tout le dénouement de la vie de Djelila et Yasmina. Il n’a pas la portée qu’il aurait dû avoir, ou plutôt, il semble mal apporté à nous, lecteurs / spectateurs. .
Le titre parle de galettes, mais j’ai fait des crêpes. C’est un crossover à l’image du roman de Roukiata Ouédraogo, qui nous porte entre Paris, sa ville d’adoption, et Fara N’gourma, son village natal. Je n’ai pas le sentiment que Roukiata Ouédraogo ait écrit pour moi. Quand je dis « pour moi », j’entends pour moi, pour nous, noirs subsaharariens du continent qui savons parfaitement ce qu’est le porter au dos, la tontine et toutes ces autres expressions banales que l’autrice s’évertue à décrire en long et en large. Elle semble raconter pour d’autres que moi. Je ne me suis pas sentie la cible de ce roman. « Il fait un peu frais, je regrette la chaleur africaine. Ça me fait ça chaque fois que j’ai froid. C’est à dire presque tout le temps. » pense la narratrice, à Paris.😕 C’est niais, c’est englobant, c’est simplet. Que signifie la chaleur africaine, pour une burkinabé et pour une gabonaise. Bref… malaise.
Ma notation sur 5: ⭐️⭐️
J’espère que vous apprécierez ces retours de lecture, succincts, mais sans langue de bois. N’hésitez pas à laisser un commentaire si vous avez déjà lu un de ces quatre ouvrages, ou si vous comptez en lire un.
À très bientôt 🪄🫶🏿